Mindful Nation UK – Rapport du “Mindfulness All-Party Parliamentary Group (MAPPG)”

Mindful Nation UK – Rapport du “Mindfulness All-Party Parliamentary Group (MAPPG)”

31 janvier 2017

1008 mots  – Temps de lecture : 4 minutes

Mots clés

Mindfulness, UK, santé, prison, éducation, entreprise


 

Review

En 2015, un programme de formation à la mindfulness a été mis en place au Parlement britannique et suivi par plus de 100 députés. Suite à cette expérience, le Mindfulness All-Party Parliamentary Group (MAPPG) a été créé, co-présidé par un député travailliste et par un député conservateur, avec la mission de passer en revue les travaux scientifiques sur le sujet et de faire des recommandations de politiques publiques au gouvernement.

Le rapport “Mindful Nation UK” produit par ce groupe reconnaît que des recherches sont encore nécessaires pour approfondir les effets de la mindfulness mais prend déjà clairement position: les résultats déjà obtenus permettent sérieusement de penser que cette pratique peut jouer un rôle important dans 4 domaines: éducation, santé, système carcéral et monde du travail. Pour chacun de ces 4 domaines, des recommandations concrètes sont proposées (seules les plus importantes sont présentées dans ce résumé).

 

MINDFULNESS ET SANTE

Les auteurs notent que les interventions basées sur la mindfulness (Mindfulness-Based Interventions ou MBIs) ont montré qu’elles avaient un impact positif sur la santé dans de nombreuses configurations. Ils se penchent particulièrement sur la prévention des rechutes dépressives, citant une méta-analyse de 6 études cliniques rigoureuses portant sur des personnes ayant connu au moins 3 épisodes de dépression. La conclusion est que le protocole MBCT (Mindfulness-Based Cognitive Therapy), un des plus reconnus, réduit le risque de rechute de près de moitié (43%) en comparaison des groupes contrôles.

Le rapport suggère que l’objectif de donner accès au protocole MBCT à 15% des personnes qui risquent une rechute dépressive d’ici 2020 pourrait aussi se traduire par un impact financier positif: cela permettrait en effet d’économiser environ 15 livres pour chaque livre dépensée.

Une autre recommandation essentielle est d’organiser le financement public de la formation de 100 enseignants au protocole MBCT dans les 5 années à venir afin que le nombre des enseignants formés atteigne un niveau suffisant et que le problème du manque de personnel qualifié soit résolu.

 

MINDFULNESS ET EDUCATION

Dans le champ de l’éducation, où la recherche sur la mindfulness est plus récente, les auteurs du rapport notent que la plupart des études portent sur des petits groupes, sans suivi de longue durée. Mais ils mentionnent aussi le niveau alarmant des troubles mentaux chez les enfants (10% des enfants en font l’expérience entre l’âge de 5 et de 16 ans au Royaume-Uni, ce qui correspond à 3 enfants dans chaque classe).

Il est dès lors pour eux urgent d’adopter de nouvelles approches dont l’efficacité est considérée comme très probable, ce qui est le cas de la mindfulness. A leurs yeux, il y a déjà suffisamment d’indices des bénéfices potentiels de cette pratique pour s’engager vers une plus grande diffusion dans les écoles, et ils font deux recommandations dans ce sens:

– Désignation par le ministère de l’éducation (Department for Education) de 3 écoles-pilotes dans l’enseignement de la mindfulness, qui co-ordonneraient les efforts d’innovation et testeraient des modèles réplicables à grande échelle.

– Création d’un fond public pour financer la formation des enseignants en mindfulness, vers lequel les écoles pourraient se tourner quand nécessaire.

 

MINDFULNESS ET MONDE DU TRAVAIL

Le secteur privé est le plus actif dans l’expérimentation de programmes de mindfulness. Les premiers résultats sont prometteurs pour les entreprises comme du point de vue des politiques publiques – moins de stress et meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle, susceptible de réduire le nombre de burnouts notamment. Toutefois, les auteurs notent que les études scientifiques sont encore limitées (depuis la publication de Mindful Nation UK un rapport plus spécifique sur la mindfulness en entreprise a été publié par Mindfulness Initiative UK en octobre 2016, dont je préparerai bientôt le résumé).

En même temps, comme pour le domaine de l’éducation, les auteurs font part d’un sentiment d’urgence. Les coûts indirects de la mauvaise santé mentale – le principal motif des arrêts de travail au Royaume-Uni – sont estimés entre 70 et 100 milliards de livres par an, dont 9 milliards à la charge des entreprises (à noter que ces calculs incluent la perte de productivité liée au “présentéisme”, c’est-à-dire la présence sur le lieu de travail mais sans être investi).

Le rapport encourage le gouvernement à mettre en place des recherches sur le rôle de la mindfulness dans le monde du travail, et à prendre l’initiative d’organiser des programmes de mindfulness pour les employés du secteur public – notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation, et du système pénitentiaire, afin de réduire le stress et d’augmenter l’efficacité organisationnelle.

 

MINDFULNESS ET SYSTEME PENITENTIAIRE

Près de la moitié des prisonniers au Royaume-Uni souffrent de dépression ou d’anxiété, et les taux de suicide sont significativement plus élevés que dans la population dans son ensemble. Par ailleurs, ces prisonniers sont plus susceptibles d’être de nouveau condamnés dans l’année qui suit leur libération. Considérant l’impact bien établi de la mindfulness sur la prévention des rechutes dépressives, les auteurs concluent logiquement que les interventions basées sur la mindfulness devraient aider à réduire les taux de ré-incarcération après libération.

Il n’y a pas encore vraiment de preuves claires sur ce point, les études étant encore trop récentes, mais les expériences menées à petit échelle aux Etats-Unis tendent à montrer que ces interventions permettent d’améliorer la gestion des émotions des détenus et de réduire la consommation de drogues. A ce stade, les auteurs recommandent que les services de santé publique (NHS) travaillent avec les services pénitentiaires pour faire en sorte que le protocole MBCT devienne largement accessible aux prisonniers.

En conclusion, au-delà des spécificités de ces quatre champs sociaux, les auteurs expriment l’ambition que le Royaume-Uni devienne un pionnier international de la santé mentale et une “nation en pleine conscience” (mindful nation), une expression déjà utilisée par le membre du Congrès des Etats-Unis Tim Ryan. Ils font aussi remarquer que, si le mouvement de la mindfulness a pris une vraie ampleur dans le pays, les personnes qui sont le plus en souffrance sont pour l’instant peu impliquées, essentiellement en raison du manque de financements publics. Il y a ici pour eux un vrai sujet de justice sociale à prendre en compte d’urgence.