De la pauvreté au pouvoir, de Duncan Green

24 mars 2014

648 mots – temps de lecture : environ 3 minutes

Mots clés

Oxfam, TRIPS,


Titre original : « From Poverty to Power » – Practical Action Publishing, 2012 – 2nd edition –. Pas de traduction française.

Duncan Green, également auteur du blog de grande qualité qui porte le même nom (http://oxfamblogs.org/fp2p/), a été pendant de nombreuses années conseiller stratégique d’Oxfam au Royaume-Uni. Oxfam est une des ONG mondiales les plus respectées dans le champ de la lutte contre la pauvreté, qui concentre une bonne partie de son action sur la promotion des droits des plus pauvres.

Bien que l’auteur précise qu’il n’écrit pas comme représentant officiel d’Oxfam, l’accent mis sur la question du pouvoir se retrouve naturellement dans ce livre. Pour l’auteur, la pauvreté est un phénomène qui signifie beaucoup plus que la faiblesse des revenus : c’est aussi l’absence de tout pouvoir et l’exclusion des mécanismes de prise de décision.

Green rejette l’idée que les plus pauvres deviennent les récepteurs passifs d’une aide extérieure. L’enjeu est au contraire de les aider à déployer toutes leurs capacités, y compris celle d’exercer un pouvoir.

Dans cette perspective, des Etats qui fonctionnent efficacement et des citoyens engagés (pouvant exercer leurs droits civiques, politiques, et sociaux) jouent un rôle crucial dans un développement authentique. Le livre donne plusieurs exemples de communautés locales qui, parfois  avec l’aide d’Ofxam, sont parvenues à échapper à la pauvreté en luttant pour leurs droits.

Le rôle des entreprises privées (appellées le “troisième pilier”) n’est toutefois pas négligé. Un secteur privé sain est jugé essentiel, car il porte de puissantes possibilités de développement .

La posture de l’auteur envers les entreprises  est orientée vers une coopération alliant respect et exigence, ce qui est aussi la posture d’Oxfam (l’organisation a par exemple réalisé un audit de l’impact d’Unilever sur la pauvreté en Indonésie et est en train de mener une campagne énergique appelée  “Behind the Brands”).[1]

Ce livre présente une vue très complète des sujets qui ont trait à la pauvreté, dont un qui implique particulièrement les entreprises : la propriété intellectuelle. A première vue, c’est un sujet qui paraît loin de la réalité quotidienne des plus pauvres. Mais le système qui régit la propriété intellectuelle est pour l’auteur l’un des exemples les plus frappants de règles iniques, basées sur des doubles standards, qui pervertissent le système des échanges internationaux. Les pays riches utilisent en effet ces règles pour freiner le développement des pays plus pauvres qui pourraient leur faire concurrence dans le futur.

Ces règles formalisées au niveau mondial dans l’accord appelé TRIPS (Agreement on Trade-Related Aspects of Intellectual Property) sont particulièrement controversées dans le champ pharmaceutique. Bien que 10 millions de personnes meurent chaque année de maladies infectieuses et liées à des parasites qui pourraient être guéries avec les médicaments actuels, l’accord TRIPS est utilisé par les grandes sociétés  pharmaceutiques pour retarder l’introduction de médicaments génériques le plus longtemps possible.

L’accord prévoit pourtant une certaine possibilité pour les pays pauvres  de passer outre la protection des brevets pour des motifs de santé publique, mais les tentatives effectuées ont rapidement tourné en massives batailles juridiques (comme dans le cas du SIDA en Afrique du Sud).

Green ne dénie pas aux sociétés pharmaceutiques le droit de protéger en partie le retour sur investissement de leurs dépenses de R&D, mais défend l’idée que des règles différentes doivent être appliquées selon le niveau de développement. Il les invite aussi à apporter leur contribution à un pool mondial de brevets (et demande que les Etats les encouragent aussi à le faire).

Il s’agit d’un livre très utile pour tous ceux qui cherchent à avoir une vue complète des dimensions de la pauvreté dans le monde, et qui s’avère également précieux pour ceux qui cherchent des informations précises sur un aspect particulier (comme la propriété intellectuelle). La masse d’informations disponibles et le nombre de pages (490) demande un effort, mais cela en vaut la peine.

[1] A propos de cette campagne et des succès déjà rencontrés, voir l’article “What Makes Big Corporations Decide to Get on the Right Side of History”, publié sur le blog Poverty to Power blog en février 2014.