L’aide fatale : Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique, de Dambisa Moyo

16 novembre 2012

596 mots -Temps de lecture : 3 minutes

Mots clés

IDE, Aide fatale, Microcrédit


Review

Dambisa Moyo, économiste zambienne ayant travaillé pour la Banque Mondiale et Goldman Sachs, a attiré l’attention avec ce livre par la radicalité de ses conclusions.

Dans ce premier livre (elle en a publié deux depuis), elle prend fortement position contre l’aide comme moyen privilégié pour promouvoir le développement économique de l’Afrique et elle appelle a un changement de pensée radical.

Elle parle même d’un “effondrement spectaculaire du développement basé sur l’aide”. Selon elle, les 1000 Mds de dollars d’aide au développement reçus par l’Afrique dans les décennies passées n’ont pas amélioré la situation des africains.

L’aide n’est pas seulement inutile, elle est même néfaste. Selon elle, l’aide a maintenu l’Afrique dans un état immature. L’aide de l’étranger soutient les gouvernements corrompus, leur fournissant des ressources en cash librement utilisables et a de nombreux autres effets nuisibles (entre autres, elle amenuise la confiance et le capital social, réduit l’épargne intérieure et l’investissement, encourage l’inflation, sape la compétitivité du secteur des exportations, et déresponsabilise les décideurs politiques africains).

L’auteur s’oppose donc radicalement à ceux qui maintiennent que l’aide fonctionne, mais que les montants ont été insuffisants pour faire la différence (Jeffrey Sachs, par exemple, dont le livre a été résumé dans le blog précédent) .

Il y a pour elle d’autres moyens, plus efficaces, de financer le développement économique de l’Afrique. Elle propose une réduction progressive de l’aide sur une période de 5 à 10 ans, en la remplaçant progressivement par des sources alternatives :

– Des obligations (bonds) émises sur le marché commercial comme au Ghana et au Gabon en 2007. Selon Moyo il y a un marché disponible largement inexploité pour les pays Africains qui choisiront d’être proactifs et rigoureux.

– Les investissements directs étrangers (IDE).  L’Afrique, qui devrait en être une cible privilégiée, n’en attire encore qu’une très petite partie. Lutter contre la corruption et la bureaucratie et améliorer la régulation de l’activité commerciale, pourraient avoir un impact significatif sur le flux des IDE. Les pays africains doivent les considérer comme un outil pour leur développement économique. De ce point de vue, le rôle grandissant de la Chine en Afrique est une bonne nouvelle.

– Le commerce. De nouveau, Moyo adopte une position tranchée : “Si l’occident se sent concerné par le développement, le commerce est le moyen qu’il doit utiliser et non pas l’aide”. Comme beaucoup d’autres économistes, elle dénonce les subventions agricoles des pays de l’OCDE qui privent certains pays africains de près de 2% de leur PIB.

– Le microcrédit

– Les versements envoyés par les africains de l’étranger à leurs familles. Selon une étude de la Banque Mondiale, les pays d’Afrique sub-saharienne peuvent potentiellement récupérer de 1 à 3 Mds de dollars en réduisant le coût des transferts de fonds internationaux (actuellement sur 100 dollars envoyés, seuls 80 arrivent au pays).

Moyo conclut son livre avec cette question provocante : que se passerait-il si tous les donateurs appelaient les pays africains pour leur dire que, dans 5 ans, le robinet serait définitivement fermé?

Sa réponse est qu’il n’y aurait pas plus de guerres, pas plus de gens mourant de faim, ou pas moins de routes et d’écoles en construction (les plus pauvres ne bénéficient de toute façon jamais de l’aide).  Au contraire, cela conduirait à un développement de la vie économique pour la majorité des africains, à une baisse de la corruption, et une augmentation du nombre d’entrepreneurs.

Sa conclusion est que la priorité doit être donnée à l’élaboration d’un plan économique qui réduise au fil des ans la dépendance à l’aide des pays africains, ce qui requiert courage et vision.