Le challenge pour l’Afrique, de Wangari Maathai

17 septembre 2013

588 mots – Temps de lecture : 2 à 3 minutes

Mots clés

Green Belt Movement, Colonialisme, Disempowerment

 

Titre original : « The Challenge for Africa. » Pas de traduction française.

Wangari Muta Maathai (1940-2011) est une femme politique et une militante originaire du Kenya, qui a créé dans les années 70 le “Green Belt Movement”, une ONG spécialisée dans la défense de l’environnement (notamment par la plantation d’arbres à grande échelle) et la protection des droits des femmes.

Elle est devenue en 2004 la première femme africaine à recevoir le Prix Nobel de la Paix pour sa contribution “au développement durable, à la démocratie, et à la paix”. Elle s’est aussi engagée en politique, comme députée au Parlement Kényan et vice-ministre de l’environnement. Elle est l’auteur de plusieurs livres, dont ses mémoires (Unbowed: A Memoir – 2006).

Dans “The challenge for Africa”, elle défend une position forte : “L’Afrique ne peut pas continuer à rejeter sur le colonialisme la faillite de ses institutions, le délabrement de ses infrastructures, le chômage et les crises des réfugiés”. L’Afrique a plutôt besoin d’une révolution dans la façon dont elle est gouvernée, non seulement de la part de ses responsables politiques, mais aussi de la part de ses citoyens. Maathai est convaincue que ce qui a entravé l’Afrique, et continue de le faire, est “le manque de leadership éthique”. Les dirigeants africains n’ont pour la plupart pas honoré la confiance qui avait été placée en eux après l’indépendance.
Elle leur trouve toutefois quelques excuses : les ex-puissances coloniales n’ont soutenu que les dirigeants qu’elles trouvaient suffisamment “coopératifs” politiquement, tandis que des leaders comme Nyerere (Tanzanie), et N’Krumah (Ghana) ont été isolés. De plus, les administrations coloniales ont de façon délibérée négligé l’éducation des populations locales.

Plus généralement, malgré la force de son message principal, elle ne veut pas occulter les dégâts créés par la colonisation. Elle y consacre une partie importante du livre. Le préjudice économique est mentionné, comme chez beaucoup d’auteurs, mais elle se distingue en donnant encore plus d’importance aux dégâts culturels. Il a été dit aux africains  que leurs sociétés étaient arriérées, leurs traditions religieuses hérétiques, leurs pratiques agricoles primitives, leurs systèmes de gouvernance inadaptés, leurs normes culturelles barbares. En conséquence, peu d’africains connaissent ou sont fiers de leur culture et de leur histoire. Ils se retrouvent “culturellement déshérités” et ont perdu leur capacité de prendre leur destin en main (“disempowerment”). Ce phénomène de “disempowerment” est probablement le problème le plus ignoré en Afrique actuellement.

Le livre reste tout de même centré sur le message principal : les africains ne peuvent continuer à rejeter la responsabilité sur la colonisation. Ils doivent reprendre le contrôle de leur destinée et mettre en place une gouvernance de qualité, qui peut être décrite par un tabouret à trois pieds (“three-legged stool of good governance”) :

– un espace démocratique

– une gestion responsable, durable et juste des ressources

– des “cultures de paix” (attention aux valeurs de respect, compassion, pardon et justice)

Si l’un de ces pieds vient à manquer, toute somme investie dans le développement (même des montants importants) peut non seulement être gâchée mais s’avérer contre-productive et favoriser l’instabilité.

Elle ne s’adresse pas seulement aux leaders africains mais aussi aux plus défavorisés des citoyens, les appelant à faire preuve d’exigence à l’encontre de la corruption et de l’inefficacité. Pour l’auteur, les citoyens africains ne doivent plus tolérer que leurs leaders les détournent de la destination à laquelle ils aspirent.

Son expérience de députée lui a donné une chance d’expérimenter la participation active des citoyens aux échelons les moins considérés, dans un modèle “bottom-up”, et elle donne plusieurs exemples de ces initiatives.

La richesse de son parcours rend ce livre passionnant.