Le Manuel des B Corp. Comment utiliser le monde des affaires comme une force de progrès, de Ryan Honeyman

11 juillet 2015

Titre Original: « The B Corp Handbook: How to Use Business as a Force for Good » (Berrett-Koehler, 2014)

833 mots – Temps de lecture: 3 minutes

Mots clés : B Lab, B Corporations


Review

Il s’agit à ma connaissance du premier livre sur les B Corporations, une initiative lancée par l’association américaine B Lab. Les fondateurs, qui avaient créé auparavant AND1, une entreprise produisant des chaussures de basketball avec une forte intention de responsabilité sociétale, ont pris bonne note que le monde des affaires était désormais une des principales forces sur la planète. Ils militent pour une redéfinition profonde de ce que signifie le succès d’une entreprise – être le meilleur pour le monde, et non plus le meilleur au monde – et pour l’utilisation du monde des affaires comme une force positive au service des enjeux sociaux et environnementaux. Ce qui suppose évidemment des ajustements significatifs par rapport à son fonctionnement actuel, processus dans lequel B Lab entend jouer un rôle crucial.

NE PLUS ETRE LE MEILLEUR AU MONDE, MAIS LE MEILLEUR POUR LE MONDE

B Lab accorde la certification “B Corp” aux entreprises qui ont rempli leurs critères de performance et de transparence sociale et environnementale. Elles ont ainsi le droit d’utiliser le logo B Corp, dans un esprit similaire au logo “bio” pour les produits alimentaires, et au logo “LEED” pour les bâtiments écologiques aux Etats-Unis. En plus de ce rôle de certification, B Lab a aussi engagé un chantier juridique (aux Etats-Unis uniquement pour le moment) afin d’intégrer dans la législation un nouveau type de société dont l’engagement sociétal ne peut être contesté par les actionnaires. Déjà près de 30 Etats ont adopté ce nouveau type de société (plus de détails ici).

UN MOUVEMENT EN FORTE PROGRESSION

La certification B Corp a déjà attiré près de 1,300 sociétés (juin 2015), incluant des grandes figures de la durabilité comme Patagonia, Seventh Generation, ou Ben & Jerry’s. Le mouvement a pris davantage d’ampleur encore récemment avec l’annonce d’Unilever, via son PDG Paul Polman, annonçant que l’entreprise envisageait de postuler à une certification B Corp (article du Guardian du 23 février 2015).

L’auteur de The B Corp Handbook ne cache pas qu’il souhaite avec ce livre soutenir l’équipe du B Lab et il ne faut donc pas attendre du livre une posture critique. Mais il remplit très bien la mission qui lui a été donnée: présenter les avantages de la certification pour les entreprises et les étapes essentielles du processus.

UNE SERIE D’AVANTAGES POUR LES ENTREPRISES CERTIFIEES

L’auteur présente une dizaine d’effets positifs dont bénéficient les entreprises qui obtiennent la certification B Corp, avec pour chacun d’eux le témoignage de dirigeants qui l’ont obtenue, ce qui donne une bonne crédibilité. Voici les principaux effets mentionnés:

  • Faire des économies (grâce à des réductions négociées pour les membres du réseau) et se distinguer de la concurrence.
  • Attirer les meilleurs collaborateurs (et les plus passionnés!).
  • Soigner son image auprès des clients.
  • Faire partie d’une communauté de leaders engagés dans la société, et partager avec eux des “best practices”.
  • Attirer des investisseurs (B Lab a aussi créé une plateforme à destination des investisseurs appelée B Analytics, et il y a de plus en plus d’exemples de B Corps qui ont levé des fonds suite à l’intérêt d’investisseurs pour leur démarche de certification).
  • Protéger la mission et les valeurs essentielles d’une société sur le long terme, notamment lors d’une succession (cela a été la principale motivation de Patagonia)
  • Disposer d’une source d’inspiration pour un progrès continu dans le temps

UN PARCOURS D’AMELIORATION PERMANENTE

Ce dernier point, lié à la façon dont la certification est conçue, est particulièrement intéressant. La performance sociale et environnementale d’une entreprise est évaluée dans cinq domaines (Collaborateurs, Impact social, Impact Environnemental, Gouvernance, Business Model) sur une échelle de 0 à 200. La certification est accordée quand le score atteint 80, ce qui paraît peu mais est déjà rigoureux (Patagonia, une des entreprises les plus engagées au monde, n’avait initialement atteint que 105). Mais la certification ne doit idéalement être envisagée que comme une étape; le questionnaire devient alors une ressource pour une démarche d’amélioration continue en mobilisant les équipes en interne (“Il y a toujours un score à améliorer”, comme le dit l’un des dirigeants cités).

UN LIVRE TRES PRATIQUE CONCU COMME UN PAS SUR LE CHEMIN

B Lab donne gratuitement accès à une version modifiée du questionnaire utilisé pour la certification, appelée le “B Impact Assessment” (voir ici). Ce livre a le mérite de donner une vue détaillée des questions posées dans ce questionnaire, en présentant pour chacune des initiatives concrètes permettant d’atteindre un bon score et en éclairant pour le lecteur deux points essentiels: “Que peut-il être attendu de cette initiative?” et “Comment mettre cela en place concrètement dans mon entreprise?”.

Pour certains, la croissance très rapide du nombre d’entreprises certifiées B Corp soulève la question de la profondeur des investigations menées, ce qui est un point important à creuser. En même temps une conclusion forte à la lecture de ce livre est que le mouvement B Corp doit avant tout être vu comme un soutien apporté aux décideurs à la recherche d’un engagement sociétal plus fort.