Les moissons du futur : Comment l’agroécologie peut nourrir le monde (2012), de Marie-Monique Robin

Les moissons du futur : Comment l’agroécologie peut nourrir le monde (2012), de Marie-Monique Robin

01 avril 2103

Titre original

599 mots – Temps de lecture : 3 minutes

Mots clés

AGRA, Agrobusiness, Agroécologie, Rodale Institute, Révolution verte, Agriculture industrielle


Review

Marie-Monique Robin est une journaliste qui s’est fait une réputation en menant des enquêtes approfondies sur des sujets économiques et sociaux controversés. Son ouvrage le plus connu est « Le monde selon Monsanto” (qui est également un documentaire).

Dans cet ouvrage publié en 2012, elle prend pour sujet l’affirmation souvent reprise par les sociétés agro-industrielles et certains hommes politiques, qu’il n’y a pas d’alternative à l’agriculture industrielle pour nourrir le monde, car les autres modèles ne seraient pas assez productifs.

Pour l’auteur, cette affirmation est absolument fausse.

Tout d’abord, l’agriculture industrielle, toujours présentée comme une réussite par ses défenseurs, présente de sérieuses limites : dégâts pour l’environnement (pollution de l’air et des sols, maladies chez les paysans, perte de biodiversité) et déséquilibres sociaux en raison du grand nombre de petits paysans perdant leur exploitation. Pour Robin, les paysans sont mêmes les premières victimes du système et sont devenus entièrement dépendants des sociétés de l’agrobusiness.

Mais l’auteur ne se contente pas d’analyser ce qu’elle appelle la “faillite de l’agriculture industrielle”. Elle construit aussi un argumentaire solide  sur le potentiel de l’agroécologie.

L’agroécologie représente une autre approche de l’agriculture, qui ne repose pas sur l’usage massif et systématique d’intrants chimiques, mais sur l’optimisation de processus, notamment des relations entre plantes, arbres et animaux. Au lieu de se concentrer sur l’usage d’engrais chimiques et de pesticides, les pratiquants de l’agroécologie s’attachent à trouver les combinaisons optimales de plantes et ont une passion pour le sol : il s’agit de le maintenir sain et fertile sur la durée en s’appuyant sur des processus naturels.

Grâce à de nombreux déplacements pour observer par elle-même des exploitations et à des entretiens avec des spécialistes mondiaux du sujet, l’auteur a accumulé un nombre impressionnant de faits et de données qui soutiennent sa conclusion que l’agroécologie :

– peut être très productive. Une référence particulièrement intéressante est celle des travaux du Rodale Institute aux Etats-Unis, qui étudie les rendements comparés de l’agro-écologie et de l’agriculture industrielle depuis 30 ans et montre que la première est tout à fait capable de rivaliser. D’autant plus qu’elle procure des revenus supérieurs pour les exploitants, en limitant les dépenses.

– est une réponse efficace à la pauvreté rurale, car les petits paysans (qui constituent la grande majorité des personnes les plus pauvres dans le monde) peuvent aisément l’adopter.

– est la meilleure réponse au changement climatique : au lieu d’être un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre (environ 30% des émissions mondiales), l’agriculture peut redevenir une activité captatrice de carbone.

– est imbattable quant à l’impact de ses produit sur la santé.

Robin n’est pas la seule à défendre cette position. En 2011, Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, a créé une onde de choc en publiant son rapport “Agroécologie et droit à l’alimentation” appelant à un basculement de l’agriculture mondiale vers l’agroécologie.

Pour Robin, nous sommes à la croisée des chemins et il devient urgent de faire ce choix, d’autant plus que les partisans de l’agriculture industrielle cherchent à étendre leur influence. L’AGRA, par exemple, une organisation qui promeut en Afrique le modèle de la révolution verte et dont elle dénonce les liens avec les sociétés de l’agrobusiness, est dotée de moyens très importants (soutien de la Gates Foundation) et prend de l’importance.

Pour certains, le discours de ce livre pourrait sembler trop partisan (les positions de l’agrobusiness pourraient par exemple être plus détaillées), mais le fait est que la thèse de l’auteur est extrêmement bien documentée. Ce livre rend difficile de défendre de façon convaincante la poursuite et l’extension de l’agriculture industrielle!