Pour un capitalisme conscient, de John Mackey et Raj Sisodia

26 février 2014

Titre original

600 mots – Temps de lecture : 3 minutes

Mots clés

Entreprises conscientes, RSE


Review

Titre original : “Conscious Capitalism: Liberating the Heroic Spirit of Business”. Pas de traduction française.

John Mackey est le fondateur et PDG de Whole Foods Market, le plus grand distributeur de produits organiques aux Etats-Unis, avec 11 Mds de dollars de ventes annuelles et 350 magasins. Raj Sisodia est le co-auteur de Firms of Endearment: How World-Class Companies Profit from Passion and Purpose (Wharton School Publishing, 2007). Ils ont créé ensemble une association appellée Conscious Capitalism (www.consciouscapitalism.org), qui a vocation à défendre une “façon de conduire le business qui sert l’humanité”.

Depuis que Mackey a commencé son parcours il y a 30 ans avec un seul magasin, il n’a cessé d’essayer d’expérimenter et de mettre en application une manière innovante de conduire son entreprise, qu’il appelle maintenant “capitalisme conscient”.

Pour Mackey and Sisodia, le monde a besoin de façon urgente d’une approche des affaires plus riche, plus holistique, et plus humaniste que celle présentée dans les manuels d’économie et les écoles de management, qui ignorent toute aspiration à servir la société à et incarner des idéaux transcendant l’intérêt individuel. Ils veulent donner au business à la fois une nouvelle fondation éthique et un nouveau “operating system” qui conduise à la création de valeur pour toutes les parties prenantes (y compris la société et l’environnement).

Ils en appellent à la création d’un grand nombre d’“entreprises conscientes” (“conscious businesses”), qu’ils définissent comme :
– des entreprises galvanisées par une mission qui a du sens et qui met en alignement les intérêts de toutes les parties prenantes.
– des entreprises avec des leaders conscients qui savent se mettre au service de cette mission, des personnes que l’entreprise touche, et de la planète.
– des entreprises qui créent une culture qui fait du travail une source de joie et d’épanouissement.

Les décideurs ont une responsabilité immense : ils doivent montrer la voie vers davantage de conscience. Cette responsabilité augmente avec la taille de leur entreprise, et donc de leur impact sur la société. Prendre cette responsabilité n’est toutefois pas un fardeau : une “entreprise consciente” est plus performante économiquement et financièrement (les auteurs ont réuni des éléments à l’appui de cette thèse en annexe du livre).

Leur approche est radicalement différente de celle de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE). A leurs yeux, la RSE repose sur l’idée fondamentalement erronée que le business est par nature nocif, ou au mieux éthiquement neutre. De plus, la RSE représente pour les managers un fardeau éthique qui s’ajoute aux objectifs business, et est souvent conçue en marge du business model par un département séparé.

La responsabilité sociale dans la philosophie du “capitalisme conscient”, au contraire, est placée au coeur du business : quand le moteur économique de l’entreprise crée de la valeur pour toutes les parties prenantes, l’entreprise agit naturellement de manière socialement responsable.

Construire une “entreprise consciente” se fait sur quatre dimensions :
– clarifier sa mission et ses valeurs essentielles afin d’avoir le plus d’impact positif sur le monde.
– prendre soin de chaque partie prenante, même secondaire, et veiller à dégager le maximum de valeur des interactions entre elles (stakeholder intégration).
– favoriser l’émergence d’un leadership conscient : recruter et développer des leaders qui allient intelligence analytique, émotionnelle et spirituelle, et qui se sentent au service de la mission de l’entreprise.
– construire une “culture d’entreprise consciente”, associant décentralisation, responsabilisation, et collaboration, dont les valeurs et la mission résistent au temps et aux changements de leadership.

Chacune de ces quatre dimensions est illustrée dans le livre avec des exemples tirés de l’expérience de Whole Foods Market, mais les auteurs parviennent à éviter de se poser en donneurs de leçons et d’afficher l’entreprise de Mackey comme un exemple indépassable. C’est un livre important qui mériterait d’être présent dans le curriculum de toutes les institutions qui forment les managers.