Theorie U : Diriger à partir du futur émergent de Otto Scharmer

6 octobre 2014

Titre original : Learning from the Future as it emerges (Berrett-Koehler Publishers)

731 mots – Temps de lecture : 3 minutes

Mots clés

Innovation, Théorie U, Parcours intérieur, Technologie sociale


Review

Il s’agit d’un livre important pour les leaders qui cherchent de nouvelles sources d’innovations, veulent donner plus de sens à leur action – pour eux-mêmes, leur équipe ou leur organisation – et/ou souhaitent augmenter leur contribution au monde.

Il a été publié en 2009 – il y a bien longtemps! – mais j’ai décidé d’écrire ce court résumé car je rencontre encore beaucoup de décideurs qui ne le connaissent pas.
Intense et dense, avec près de 400 pages dans la version originale (la version française est abrégée), sa lecture demande une attention qui se trouve vite récompensée.

Otto Scharmer, professeur au MIT et fondateur du Presencing Institute, part du constat que nous (les humains) créons collectivement des résultats dont peu de gens – même les plus privilégiés – sont profondément satisfaits. Nous avons besoin d’innover en profondeur, particulièrement face aux enjeux sociaux et environnementaux les plus pressants.

Le problème est que la plupart des approches de l’innovation et du changement dans les organisations manquent une dimension essentielle : les leaders se concentrent plus sur les process qu’ils utilisent et les résultats qu’ils obtiennent, et négligent l’état intérieur à partir duquel ils agissent (“the inner place from which they operate”). Pourtant, se poser la question suivante : “De quelle source viennent nos actions?” peut mener à des innovations majeures.

Au lieu de s’immerger immédiatement dans la définition de stratégies et plans d’actions, Scharmer nous invite à consacrer un certain temps (de l’ordre d’une demi-journée à quelques jours) à un parcours intérieur (“a journey”), qu’il a nommé le “U” pour une raison que le graphique ci-dessous rend évidente.

Il serait trop long de décrire toutes les étapes de ce parcours en détail, mais en voici l’essentiel :

– Prendre d’abord le temps de “voir et sentir différemment”, en descendant la partie gauche du U (suspendre nos jugements et porter un regard neuf sur les enjeux qui nous occupent, par exemple en rencontrant des personnes que nous n’avons jamais l’habitude de rencontrer, en prenant le temps d’une écoute plus profonde des autres, et/ou en aménageant des temps de silence et de contemplation).

– Progresser ainsi vers le bas du U où nous avons une chance d’identifier le “futur qui cherche à émerger” au lieu de “télécharger le passé” comme nous le faisons habituellement. Le point le plus bas du U est une source immense de créativité dans un groupe, qui laisse place aux questions essentielles (la raison d’être d’une équipe ou d’une organisation par exemple) et rend possible d’inventer de nouvelles formes de business. A ce point, il arrive aussi fréquemment que les membres du groupe se sentent particulièrement inspirés et davantage connectés les uns aux autres.

– Puis remonter la partie droite du U, en s’assurant, avant de repartir dans l’action, de rapidement mettre au point des prototypes préservant l’essence de ce qui aura émergé dans le bas du U.

Plusieurs aspects rendent à mon avis le travail Otto Scharmer unique :

– Il ne s’agit pas uniquement d’un parcours individuel : il a été aussi pensé pour des groupes (il est de fait déjà utilisé dans de nombreux pays et dans de nombreuses entreprises, et a été jugé particulièrement utile dans le cas de groupes réunissant des parties aux intérêts opposés).

– Il est conçu comme une pratique : beaucoup d’outils sont proposés pour parcourir le U (voir ici – en anglais seulement). Il faut toutefois préciser que l’approche ne se maîtrise pas facilement : bien qu’elle soit présentée par Scharmer comme une “technologie sociale”, il est aussi utile de la voir comme un art qui doit être pratiqué afin de progresser.

– Il donne une légitimité à des pratiques qui pourraient être qualifiées trop rapidement de “spirituelles” et donc inappropriées dans le monde des affaires. Des pratiques contemplatives laïques, par exemple, sont considérées comme très utiles pour atteindre la partie basse du U (elles étaient ainsi proposées chaque matin au cours de la session de formation de 4 jours avec Otto Scharmer à laquelle j’ai participé à Berlin en 2013).

En conclusion, je vous encourage à lire ce livre, et surtout à le mettre en pratique (recourir à un facilitateur peut être utile pour une première expérience).

PS : Afin de ne pas vous mettre de pression inutile, je vous accorde quelques mois avant de commenter le second livre d’Otto Scharmer, publié en 2013 (Leading from the Emerging Future: From Ego-System to Eco-System Economies)!