Une planète surpeuplée, des assiettes vides : la nouvelle géopolitique de la pénurie alimentaire, de Lester Brown

31 janvier 2013

Titre original :  » Full Planet, Empty Plates – The New Geopolitics of Food Scarcity ».

Pas de traduction française.

599 mots – Temps de lecture : 2 à 3 minutes

Mots clés

Earth Policy Institute, Pénurie alimentaire, Biofuels, Irrigation goutte-à-goutte

 

Review

Lester Brown est le fondateur du Earth Policy Institute et l’auteur de World on the Edge (que j’ai présenté en 2012). Dans ce dernier livre, il défend la thèse que nous sommes entrés dans une ère de pénurie alimentaire chronique : le monde serait plus proche qu’on ne peut l’imaginer de sévères crises alimentaires caractérisées par de fortes augmentations de prix (la crise de 2008 ne serait que la première d’une longue série).

La plupart des occidentaux ne seront pas trop affectés car ils ne consacrent en moyenne que 10% de leur revenu à leur alimentation. Mais dans les pays pauvres, où les habitants y consacrent 50 à 70% de leur revenu, les effets d’un doublement des prix peuvent être dramatiques. Près de 25% des familles en Inde et au Nigéria connaissent déjà des journées sans repas.

Cette situation de pénurie est née de différents facteurs qui jouent sur l’offre comme sur la demande.

Du côté de la demande, une combinaison de facteurs a amené la consommation à des niveaux jamais atteints :

– La population mondiale continue de croître rapidement. Le nombre d’habitants en Afrique, par exemple, devrait atteindre 2.2 milliards en 2050 (contre 900 millions à l’heure actuelle).

– 3 milliards de personnes ont maintenant des revenus qui leur permettent de manger davantage de viande, de lait et d’oeufs. La consommation de viande en Chine, par exemple, a triplé depuis le début des années 90. Ceci contribue indirectement à augmenter la consommation de céréales. Un tiers de la récolte mondiale de céréales est déjà utilisée chaque année pour nourrir les animaux d’élevage.

– La partie des récoltes de céréales convertie en carburants (biofuels) continue d’augmenter. Aux Etats-Unis, elle atteint déjà ainsi plus de 30%.

Du côté de l’offre, il devient de plus en plus difficile d’augmenter la production en raison de :

– L’érosion extrême des sols : de plus en plus de pays voient leur couche arable se dégrader, et perdent en conséquence la capacité de nourrir leur population.

– La pénurie croissante d’eau : une consommation surpassant le renouvellement naturel (overpumping) a fait diminuer dangereusement les réserves d’eau dans 18 pays qui contiennent la moitié de la population mondiale (dont la Chine et l’Inde). Cela contribue directement à la crise alimentaire car 70% de la consommation d’eau dans le monde est liée à l’irrigation.

– La montée des températures, qui exerce une pression sur les rendements agricoles.

Face à ces mauvaises nouvelles, la question se pose de savoir ce qui peut être fait pour prévenir une crise majeure.

Malheureusement, l’auteur ne consacre que le dernier chapitre à cette question. Mais plusieurs idées intéressantes sont tout de même évoquées.

Des actions simultanées doivent être engagées pour contenir la consommation : stabiliser la population mondiale, réduire la consommation excessive de viande et supprimer les politiques encourageant la production de biofuels.

Le développement de l’offre peut lui être favorisé :

– En stabilisant le climat (l’auteur recommande par exemple la mise en place d’une taxation des émissions de CO2).

– En augmentant l’efficacité de l’irrigation (généralisation de l’usage de l’irrigation goutte-à-goutte “drip irrigation” par exemple).

– En portant une grande attention à la conservation des sols.

Il doit être noté que l’auteur est parfois critiqué comme un “catastrophiste” (prophet of doom), mais vous verrez si vous lisez ce livre que sa démonstration est solide.

En fait, la principale limite de ce livre passionnant tient peut-être à la difficulté pour les lecteurs d’identifier à première lecture la contribution qu’ils pourraient apporter. Mais un court temps de réflexion permet déjà de dégager quelques pistes sur lesquelles chacun peut s’engager. Je vous invite à prendre quelques minutes pour essayer!