Une force de la nature : l’improbable histoire de la révolution verte de Walmart, de Edward Humes (HarperBusiness, 2011)

5 septembre 2014

Titre original : Force of Nature. The Unlikely Story of Walmart’s Green Revolution.

776 mots – Temps de lecture : 3 minutes

Mots clés :

Durabilité


Review

Ce livre décrit les changements importants que Walmart a mis en place au milieu des années 2000 quand l’entreprise, longtemps parmi les multinationales les plus critiquées, s’est engagée de façon spectaculaire sur un programme de durabilité, recevant au passage les compliments de certains de ses critiques les plus virulents.

Au début de la décennie 2000, Walmart était surtout connue pour la longue liste de procès dont elle faisait l’objet, notamment pour atteintes au droit du travail. Les dirigeants étaient en permanence à la recherche de moyens de limiter la dégradation de son image.

C’est alors que la rencontre entre le PDG Lee Scott et Jib Ellison, un instructeur de kayak en eaux vives, consultant et militant écologiste, a donné des résultats assez étonnants : ce dernier aurait en effet rapidement convaincu Lee Scott de changer radicalement la position de l’entreprise sur le sujet de la durabilité. Jusqu’alors, la position officielle de Walmart avait toujours été que sa plus grande (et seule) responsabilité sociale était de proposer les prix les plus bas possibles à ses clients.

Comme dans beaucoup d’entreprises qui ont initié une démarche de durabilité, les premières initiatives, sur le conseil de Jibb, ont visé les “fruits sur les branches basses”, c’est-à-dire des objectifs pouvant être atteints rapidement : efficacité énergétique, identification des produits les plus toxiques, et réduction des gaspillages en tous genres. Par exemple, il est apparu que la réduction de l’emballage pour un seul jouet générait 2.4 millions de dollars d’économies pour l’entreprise.

Petit à petit, sous l’impulsion du PDG, chaque membre de l’équipe dirigeante et chaque département a commencé à identifier des initiatives combinant efficacité et impact positif sur l’environnement. Malgré une réputation de gestion rigoureuse, de multiples sources de gaspillages ont été alors repérées.

Au-delà de ces initiatives, 2005 a représenté un véritable tournant quand le PDG a annoncé à l’ensemble des collaborateurs des 6000 magasins de la chaîne trois objectifs ambitieux :
-S’approvisionner à 100% en énergies renouvelables
-Parvenir à ne plus rejeter aucun déchet
-Vendre des produits qui “prennent soin de nos ressources et de notre environnement”.

Par l’ampleur de l’engagement annoncé, ce discours a surpris les observateurs et a suscité de nombreuses accusations de greenwashing, mais les avancées ont été rapides : 14 équipes appelées “Sustainable Network Teams” ont été créées au sein de la société, chacune se concentrant sur une catégorie de produits ou une fonction (par exemple : fruits de mer, bijouterie, logistique, énergie, gestion des déchets, textile). Plusieurs organisations de défense de l’environnement ont été invitées à participer à ces groupes – auxquelles participaient systématique des dirigeants de Walmart – ce qui a représenté une petite révolution dans l’entreprise. C’est à partir de la constitution de ces équipes que Walmart a commencé à agir de façon pionnière dans plusieurs domaines.

Par exemple, la Vice-Présidente en charge du textile a initié une transition audacieuse vers le coton bio, acceptant de s’engager sur des contrats d’achat sur 5 ans avec les producteurs de coton qui étaient eux-mêmes en transition vers le bio (les contrats d’achats sur plusieurs années étaient alors tout à fait exclus).

Le projet appelé “The Index” a représenté une autre initiative marquante, visant à mesurer la durabilité de tous les produits vendus (empreinte carbone, utilisation d’eau, toxicité, etc.), avec l’intention d’utiliser l’information recueillie pour mieux sélectionner les fournisseurs, et dans un second temps, de la communiquer aux consommateurs. Conscient de l’ampleur de la tâche (500 000 produits vendus, pour lesquels ces informations étaient souvent inexistantes), Walmart a invité d’autres entreprises, y compris ses concurrents, à rejoindre le projet.

Malheureusement, ce livre, publié en 2011, ne couvre pas ce qui s’est passé après le départ de Lee Scott en 2009, mais il semble que le mouvement se soit essoufflé. Le site official de Walmart continue de mentionner ces objectifs, mais selon le site MakingChangeAtWalMart.org, peu de progrès ont été faits, particulièrement en ce qui concerne “The Index”. La durabilité n’aurait finalement représenté, pour ce site très critique envers la société, qu’une “opération de relations publiques”.

Quels que soient les résultats finalement obtenus, deux enseignements me paraissent intéressants dans ce livre :
-Un engagement fort de la part des dirigeants peut donner une véritable impulsion pour mettre une société en chemin vers un mode de fonctionnement plus durable (Ray Anderson, d’Interface, en est un autre exemple)
-Inviter des personnes extérieures à l’entreprise à rejoindre des groupes de travail, y compris des “activistes” a priori hostiles, représente une véritable source de solutions innovantes.

Une nouvelle édition de ce livre qui couvrirait la période 2009-2014 serait vraiment utile pour comprendre ce qui s’est passé après le départ de Lee Scott.