La dernière “saison de la faim”. Une année avec une communauté d’agriculteurs africains sur le chemin du changement, de Roger Thurow

12 novembre 2015

823 mots – Temps de lecture : 3 minutes

Titre original : “The Last Hunger Season. A Year in an African Farm Community on the Brink of Change” – Roger Thurow (PublicAffairs, 2012 )

Pas de traduction française.

Mots clés : Conscious Businesses, CSR, pauvreté, faim


Review

L’auteur, un ancien journaliste du Wall Street Journal, a déjà écrit un livre sur la question de la faim dans le monde après avoir été envoyé en reportage lors d’un épisode de famine en Ethiopie (vous trouverez sur mon site un résumé de ce livre, “Enough!”). Il avait été profondément touché par cette expérience, et notamment par le témoignage d’un acteur de l’humanitaire, qui lui avait dit: “Croiser le regard d’une personne qui meurt de faim se transforme en maladie de l’âme”.

Comme dans “The Business Solution to Poverty”, de Paul Polak, un autre livre que j’ai résumé pour vous, l’auteur part du constat que la majorité des personnes qui souffrent de la faim sont des petits paysans qui ne parviennent pas à produire assez, et atteint une conclusion similaire : il est essentiel de les aider à produire davantage.

Contrairement à Polak, Thurow ne présente pas ses propres propositions pour résoudre ce problème mais décrit l’action d’une entreprise sociale créée par un jeune entrepreneur, Andrew Youn. Après avoir obtenu un MBA aux Etats-Unis, Youn a créé One Acre, pour aider les petits paysans disposant de peu de terres (“One acre” désigne une surface de 5000 m2 environ) à augmenter leur production en leur proposant des semences plus productives, des engrais, et des conseils techniques. Cette intention altruiste de venir en aide à ces paysans qui n’ont pas accès à ces ressources correspond à la partie sociale de l’entreprise, qui fonctionne par ailleurs sur un principe fort : l’aide proposée ne doit pas être gratuite. Les bénéficiaires achètent semences et engrais avec un emprunt proposé par One Acre à des conditions très favorables et remboursent après la récolte.

UN LIVRE ORIGINAL ET PROFOND

Ce livre tire sa force du choix de l’auteur d’avoir passé une année dans une communauté rurale de l’Ouest du Kenya, en suivant en particulier 4 familles.

La situation de chaque famille est présentée aux lecteurs, mois après mois, ce qui donne une chance assez unique de mieux comprendre le quotidien de certaines des 900 millions de personnes qui souffrent encore de la faim (un chiffre trop souvent abstrait et froid).

LA TRISTE REALITE DE LA “SAISON DE LA FAIM”

En particulier, vous ressentirez probablement en tant que lecteur l’anxiété vécue par les familles au cours de la “saison de la faim”, qui s’étend chaque année entre mai et août environ, c’est-à-dire entre le moment où les provisions de maïs issues de la dernière récolte (août ou septembre) s’épuisent et le moment où la nouvelle récolte arrive.

Commence alors pour les parents une lutte quotidienne et angoissante pour trouver des sources de revenus, ce qui les amène parfois à vendre à bas prix les rares animaux qu’ils possèdent. Les rations pour les repas sont très réduites et de nombreux repas tout simplement supprimés, et il faut en parallèle faire face aux frais scolaires pour les enfants (10 sacs de maïs pour seulement 2 mois d’école), et aux imprévus comme les dépenses médicales (nombreux épisodes de malaria notamment).

Dans cette zone du Kenya, un enfant sur 7 meurt avant l’âge de 5 ans, la plupart de faim, de malnutrition, ou de problèmes de santé qui en découlent. Parmi ceux qui survivent, environ la moitié sont touchés par un retard de croissance physique ou mentale.

UNE REPONSE MULTIPLE

L’objectif principal de One Acre est d’aider les agriculteurs à augmenter leur récolte de maïs, traditionnellement une culture de subsistance au Kenya, mais pas une culture orientée vers l’obtention de revenus.

L’assistance proposée par One Acre a plusieurs dimensions :

Des conseils sur les méthodes de plantation les plus efficaces.
L’approvisionnement en semences plus productives (hybrides permettant de doubler ou tripler les rendements) ou permettant la diversification des récoltes au cours de l’année. One Acre s’assure que ses adhérents disposent de ce dont ils ont besoin (semences et engrais), à un prix juste.
Un système de micro-assurance, inclus dans le “package”, qui protège contre le risque de sécheresse ou d’inondation.

LE TEMPS DE LA RECOLTE ET LES PREMIERS PAS EN DEHORS DE LA PAUVRETE EXTREME

La récolte est un temps d’espoir et de joie, lorsque les agriculteurs obtiennent une production 2 ou 3 fois supérieure à leur production habituelle : ils disposent alors de revenus suffisants pour diversifier leur production, acheter des animaux (chèvres, vaches ou poules), ou ouvrir un petit commerce. Il s’agit dans tous les cas de pas significatifs pour s’éloigner d’une pauvreté chronique.

Selon Andrew Youn, le fondateur de One Acre, les 50 000 agriculteurs clients de One Acre avaient, au moment de la rédaction du livre, obtenu des récoltes leur permettant de nourrir non seulement leur famille mais aussi 300 000 personnes supplémentaires.

Considérant que la plupart de ces petits agriculteurs avaient auparavant un accès très limité aux semences et engrais car négligés par les sociétés internationales qui les commercialisent, ce livre est une bonne illustration du rôle que peuvent jouer les entreprises sociales dans la lutte contre la pauvreté extrême.